Législatives à Tours : quelle stratégie pour le Rassemblement National ?

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Embouteillage de candidats aux élections législatives anticipées ce dimanche 23 juin sur le marché Rabelais. A une semaine du 1er tour, les 3 favoris de la campagne de la 1ère circonscription ont programmé une opération tractage sur cette zone de Tours-Ouest. Il y a le Nouveau Front Populaire, Renaissance et le Rassemblement National. Un passage obligé pour le parti d’extrême droite qui cherche à diffuser ses idées dans une ville où il progresse sans faire d’éclat.

« Il est dur ce marché » glisse Joffrey Pointlane à un petit groupe venu renforcer l’équipe de tractage déjà en place. Directeur de campagne de la candidate Rassemblement National Lisa Garbay, il est arrivé Place Rabelais dès le début de la matinée. Au total, une dizaine de jeunes sont à ses côtés pour soutenir l’étudiante en droit de 23 ans qui se présente à sa première élection. Chemises, vêtements de marques, tailleurs : toutes et tous sont sur leur 31 pour tenter de convaincre, ou au moins engager la discussion.

« La ville de Tours est très ancrée à gauche mais c’est un terrain à conquérir alors on y va quand même : on essaie partout » explique le responsable qui assure que les réactions à l’égard de son parti sont de plus en plus positives. « A Velpeau et Beaujardin c’est très hostile, mais aux Halles on est bien accueilli » résume-t-il.

Echanges avec un opposant au RN sur le marché Rabelais à Tours.

De fait, les retours sont diversifiés. Par exemple une dame « plutôt centriste » explique qu’en cas de 2e tour Rassemblement National / France Insoumise, sa voix ira au camp Le Pen / Bardella dont les visages s’affichent en gros sur les tracts (contre une toute petite vignette pour Lisa Garbay). « Je suis très inquiète pour les jeunes, il faut plus de fermeté » se justifie-t-elle. En revanche, un jeune homme affiche ostensiblement son ressentiment : « J’ai écouté Michel (sic) Bardella dans une interview où on le laissait dérouler son programme, c’est le vide abyssal, il enfonce des portes ouvertes. »

Face à lui, Eléonore ne se démonte pas et attaque, glissant assez vite de l’argument politique à la provocation : « Il écoute les problèmes des gens. Et puis nous on ne présente pas de fichés S à ces législatives », en faisant référence à un candidat NFP qui s’est révélé être suivi de près par les services de renseignements pour ses actions militantes. L’échange s’envenime et l’opposant préfère s’en aller. « On aime la discussion mais c’est souvent difficile avec les militants de gauche » glisse un jeune RN qui cherche plus à planter des graines que cueillir les fruits : « On échange et on explique notre vision. On rassure. »

L’enjeu : montrer l’image la plus lisse possible pour ne plus faire peur et donner des gages de sérieux. « Mon père est économiste, j’ai fait des études dans ce domaine, je m’y connais sur ces questions » insiste par exemple Eléonore. Encartée RN depuis octobre 2023, après avoir voté Marine Le Pen à la présidentielle 2022, Julie va jusqu’à dire qu’une part du programme du parti « s’est gauchisée » : « Je suis de droite mais je suis empathique, j’ai une petite partie sociale que je retrouve ici. » S’inspirant des éléments de langage nationaux elle qualifie d’ailleurs le mouvement d’« autre droite » plutôt que d’extrême droite (alors que les préfectures continuent de le classer comme tel dans l’organigramme politique).

Au fil de la matinée, il n’est pas rare que les militants RN se fassent invectiver, qu’on leur rappelle les dérapages du passé… ou plus récents comme l’appartenance de leur ancienne responsable des jeunes à l’association identitaire Des Tours et des Lys. C’est d’ailleurs elle qui avait été fléchée pour mener la campagne législative du parti, Lisa Garbay n’étant que suppléante. Mais la révélation de son double jeu par Mediapart l’a contrainte à abandonner toute ambition.

« Nous n’avons pas d’idéologie identitaire et je condamne Des Tours et des Lys autant que l’extrême gauche » lance pour sa part Lisa Garbay, assurant qu’il n’y plus de passerelle entre les deux entités (certains observateurs restent persuadés du contraire). « On est moins fasciste que les Italiens » tentait pour sa part un membre de l’équipe auprès du militant de gauche croisé un peu plus tôt. Une diatribe plutôt maladroite et largement contestable si l’on analyse réellement l’histoire politique européenne.

Très motivés, souriants même quand ils se font recaler, faisant fi des imprécisions ou paradoxes, les militants RN de Tours veulent croire en leurs chances. Pour ça, ils diffusent les discours tout prêts des pontes nationaux sur l’immigration, la sécurité « pour tout le monde quelle que soit la couleur de peau », le pouvoir d’achat ou la réforme des retraites. Et qu’importe si les responsables du RN s’embrouillent sur le calendrier ou même la stratégie à adopter sur ce sujet, l’ambition est d’entretenir l’espoir… on verra plus tard pour les détails.

Lisa Garbay, candidate RN aux législatives 2024 à Tours.

« Notre programme est plus réalisable que celui de la gauche » assure ainsi Lisa Garbay qui cible clairement le Nouveau Front Populaire comme son principal adversaire, espérant gagner des voix sur la « peur » envers l’alliance PS-Verts-LFI-PCF-NPA, et en particulier sur le rejet de La France Insoumise. C’est pour ça aussi que l’étudiante, qui a vécu dans les Deux-Sèvres et suivi un cursus autour de l’équitation dans l’Indre, ne cesse de répéter que le programme du RN est « social ». Des éléments qui semblent faire venir du monde : « On compte 120 à 130 adhérents en Indre-et-Loire. Depuis les Européennes, on en a une dizaine en plus par semaine contre 3-4 avant »explique celle qui a rejoint le parti en 2022.

Si la dynamique est réelle et incontestable, transformer l’essai pourrait être bien plus ardu. « Gagner à Tours sera compliqué mais impossible, je ne pense pas. On a des chances d’être au second tour » espère Lisa Garbay confortée par les 18% de Jordan Bardella sur la ville lors des élections européennes du 9 juin. Certes 10 points de moins que sa moyenne départementale et 13 de moins que son score national mais tout de même en 2e position avec 7 500 voix, 2 200 de plus en 5 ans. En progression ? Oui et non, car c’est aussi un peu moins que Marine Le Pen au 1er tour de la présidentielle 2022. A Tours, le RN est puissant mais encore loin d’être un réflexe.

Photos : Pascal Montagne

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